« On a échappé au pire. » Le pire pour elles, c’est le viol. Un épais silence s’installe. Océane(1) et Gwen(1) pensent à celles qui n’ont pas pu s’échapper. Toutes deux ne se ressemblent pas. Pourtant, elles ont des points communs. Longs cheveux bruns, petite taille. Comme toutes les victimes de celui que Grenoble nomme désormais « le violeur à trottinette ». Une bourrasque de vent joue avec les chevelures des jeunes femmes. Avec les fragrances du parfum floral d’Océane.
Les deux étudiantes échangent un regard complice. Vendredi 28 mars, c’est la première fois qu’elles se voient « en vrai ». Pourtant, en quelques minutes à peine, c’est comme si elles étaient copines depuis toujours. Gwen passe une main dans le dos d’Océane. La rencontre se passe pile une semaine avant l’interpellation de Milan D., 22 ans, confondu par son ADN, comme étant l’auteur présumé de 2 viols commis à Grenoble et Saint-Martin d’Hères les 11 et 16 mars, une tentative de viol à Grenoble le 16 mars, une agression sexuelle à Grenoble le 17 février, des violences avec arme le même jour dans la même ville, une tentative d’extorsion à Saint-Martin-le-Vinoux le 8 février et des violences à Grenoble le 8 février. Sept faits retenus par la justice. Mais il y en a probablement plus. Océane le sait, elle est la huitième. Une autre jeune femme pense quant à elle avoir été aussi la victime de cet homme, le 1er juillet 2022.
Agressées à deux mois d’intervalle
Océane repousse le moment d’entrer au commissariat de Grenoble. Ses mains tremblent. Océane et Gwen ont 20 et 21 ans. Grillent clope sur clope. « On a un copain en commun, c’est comme ça que je suis tombée sur la story de Gwen, raconte Océane. Alors je suis entrée en contact avec elle. » La story sur Instagram date du 17 février. Gwen lance alors un appel à la vigilance : un homme rode dans la ville et s’attaque aux jeunes femmes.
Le 16 février, Gwen passe la soirée au Black Lilith privatisé pour une soirée entre filles organisée par Bringue Party puis à un after. C’est après avoir été raccompagnée par des amis qu’un homme habillé en noir avec une trottinette s’est précipité derrière elle dans l’immeuble. Elle a su, avec sang-froid, échapper à l’agresseur, dont elle a pu voir le visage lorsqu’il s’est adressé à elle.
En découvrant les publications de Gwen, Océane comprend qu’il s’agit du même homme. La trottinette, la petite taille – 1,70 m –, le roux de sa barbe, comme la mèche rousse qui dépassait de la capuche de celui qui l’a poursuivie pile deux mois plus tôt. C’était le dimanche 17 décembre. Océane a passé la soirée au Marquee, une boîte de nuit fréquentée principalement par des étudiants, située au nord de Grenoble. A 6h du matin, comme elle en a l’habitude, elle s’empare d’une Dott, une trottinette en libre-service de la ville. Emmitouflée dans son manteau d’hiver, elle doit parcourir les 8 km qui la séparent de son appartement à Echirolles. Elle ne s’inquiète pas. Elle l’a déjà emprunté de nombreuses fois.
Des cicatrices sur les genoux
Mais ce dimanche 17 décembre, alors qu’il fait encore nuit noire, elle va vivre l’enfer. Pendant la quasi-totalité du trajet, un homme à trottinette très puissante la poursuit, la frappe, la fait tomber à trois reprises. « J’ai encore des cicatrices sur les genoux », assure-t-elle. Elle ne doit son salut qu’à un changement inopiné de trajet et l’arrivée aux urgences du CHU Grenoble Sud. L’homme prend alors la fuite en voyant un agent de sécurité devant l’hôpital.
Des flashbacks terrifiants
Océane est si bouleversée qu’elle ne pense pas à porter plainte. « Pendant des mois, je l’ai vue être si mal, décrit sa mère. Quand on est parent, on absorbe le malaise de son enfant. C’était terrible. » Le déclic d’Océane, grâce à Gwen, redonne de l’espoir aux deux. Mère et fille. « J’avais mis tout ça dans une boîte dans un coin de ma tête, développe Océane. Mais je me rends compte maintenant qu’il fallait que j’en parle parce que j’ai encore très souvent des flashs de lui. Parfois, je crois le voir devant ma porte. »
Océane n’est plus ressortie dans le centre de Grenoble depuis le 17 décembre
C’est désormais en combattante qu’Océane passe la porte du commissariat de Grenoble. Par trois fois même. Car faute d’effectifs, les policiers ne peuvent pas prendre immédiatement sa plainte. Ça l’a mise en colère. « Je ne me suis pas sentie prise au sérieux au départ, c’est terrible parce que si je n’ai pas porté plainte tout de suite, c’est parce que j’avais peur qu’on ne me croie pas ! »
Depuis le 4 avril, c’est désormais chose faite. « Je suis contente d’en parler, je sais qu’il faut répéter la description de ce mec, pour prévenir, alerter les autres filles », martèle-t-elle comme un mantra. Gwen approuve. Depuis leur agression, toutes deux vérifient plutôt deux fois qu’une que leur porte d’appartement est bien fermée à clé. Océane n’est plus ressortie dans le centre de Grenoble depuis le 17 décembre.
Grenoblois armés
Gwen se fait systématiquement raccompagner depuis le 17 février. Elle est persuadée d’avoir aperçu « le roux » à trottinette mi-mars. Son regard exprime une angoisse indicible.
Depuis les publications de Gwen, leur relais par d’autres comptes Instagram et Facebook, la terreur plombe les Grenoblois. Parmi les jeunes femmes rencontrées, beaucoup assurent ne plus vivre comme avant. L’une d’elles zappe son cours de danse. « Il finit à 22 heures, j’ai peur de rentrer seule après. » Un de ses copains chuchote qu’il a désormais un couteau dans son sac pour protéger ses amies.
Un portrait-robot non-officiel du violeur à trottinette
Sur les réseaux sociaux, des milices citoyennes s’organisent, patrouillent en voiture en ville. Sonia(1), 32 ans, ne supporte pas de savoir un pervers en liberté. Elle-même a subi une agression sexuelle il y a quelques années mais son dossier a été classé sans suite. « En tant qu’ancienne victime qu’on n’a pas entendue, qui n’a pas obtenu justice, je mets un point d’honneur à aider ces 7 ou 8 ou 10 victimes à obtenir cette justice-là », insiste-t-elle. Alors cette très jolie jeune femme prend des allures de détective privé. « Comme il sait que tout le monde cherche un type habillé en noir sur une trottinette puissante, il ne doit plus sortir, avance-t-elle. Du coup, vue l’augmentation de ses méfaits, il doit sûrement être en manque et chercher un autre moyen de trouver une victime. »
Elle a créé un compte sur Happn, une application de rencontres géolocalisée. Elle repère tous les profils d’hommes âgés de 20 à 25 ans, roux, mesurant 1,70 m. « C’est fou… Je n’avais jamais fait attention mais il y a beaucoup de roux à Grenoble. » Elle signale les profils suspects aux enquêteurs. Elle est aussi entrée en contact avec plusieurs victimes. « Je dessine bien, alors avec leurs descriptions, j’ai réalisé un portrait-robot du violeur à trottinette. » Sa modeste contribution. Elle ne se voyait pas rester sans rien faire.
Désormais, grâce au travail des enquêteurs de la PJ de Grenoble, Milan D. a pu être identifié par le biais de trois axes d’enquête : l’ADN, la téléphonie et les images de vidéosurveillance. L’homme, décrit comme inséré, travaillant dans un magasin de trottinettes, est derrière les verrous, mis en examen pour viols, agressions sexuelles et violences. Il ne reconnaît cependant qu’un seul viol, celui pour lequel les enquêteurs ont pu relever un ADN. Il nie toutes les autres agressions. Il encourt 15 ans de réclusion criminelle, 20 ans si le caractère sériel est retenu.
Samedi 6 avril, Gwen, elle, s’est rendue une nouvelle fois au commissariat de Grenoble, ainsi que les six autres victimes du dossier. Elles ont reconnu l’homme à travers une vitre sans tain. Océane, elle, revit. « Je ne peux pas aller mieux que depuis sa mise en examen, annonce-t-elle. Je peux à nouveau retourner dans Grenoble, et vivre normalement. » Elle a hâte de l’affronter lors d’un procès : « Je voudrais lui dire le mal qu’il m’a fait, le traumatisme que ça a généré. Qu’il comprenne qu’on est des personnes. »
(1) Les prénoms ont été modifiés
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