Au cœur de l’église de Saint-Martin-au-Val, le moment est particulièrement attendu par l’équipe de C’Chartres Archéologie réalisant, sur le site, des fouilles programmées. C’est l’heure d’ouvrir un sarcophage en calcaire, daté de l’époque mérovingienne – probablement du VIe siècle – avec une position au plus près du chœur de la toute première église, qui indique certainement un statut important de la défunte ou du défunt. Mais la manœuvre est relativement délicate : les blocs de calcaires sont lourds et friables. Il faut faire preuve de patience et d’une extrême précaution malgré une certaine impatience.

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Le squelette étudié par une archéo-anthropologue

Bloc après bloc, le squelette se dévoile petit à petit. Au bout d’une bonne trentaine de minutes, la partie supérieure est complètement dégagée, laissant entrevoir un squelette resté là depuis plus de 1500 ans. Un moment exceptionnel, pour les archéologues, qu’est aussi venu observer, Jean-Pierre Gorges, le maire de Chartres et Isabelle Vincent, adjointe au maire à la Culture et au Patrimoine.

Est-ce un homme ou une femme ? Difficile à dire pour l’instant, d’après Émilie Portat, archéo-anthropologue, maître de conférences à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, site avec lequel les fouilles sont faites en collaboration. « Il n’y a pas d’élément pour l’instant permettant d’identifier une femme ou un homme. » Mais déjà, plusieurs éléments se dégagent : « Ce devait être un personnage important, qui aurait bénéficié de funérailles ostentatoires. C’est un individu grand, avec une taille de la tête au talon d’1m85, robuste. Le corps est sur le dos, avec la tête vers le haut, les mains sur les hanches, et probablement encore de la peau du visage ».

À l’ouverture, on n’observe pas d’objets visibles, mais ils peuvent aussi se cacher dans le sédiment en fond. Dans les jours à venir, Émilie Portat va mener un travail d’analyse avec une étudiante de La Sorbonne. « Ça va être un peu long, car le squelette est en mauvais état et il y a beaucoup de matières organiques. Il faudra faire un enregistrement très minutieux et des analyses très rapidement. Les os ont été abîmés et on doit travailler directement sur le terrain. »

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Ce qui fait aussi la rareté de la découverte, c’est que le sarcophage n’avait jamais été trouvé, jamais ouvert au cours de l’histoire. « Sur les 23 sarcophages retrouvés dans l’église, trois étaient encore scellés », précise Bruno Bazin, archéologue, responsable d’opération. En mars 2018, déjà, un sarcophage encore scellé avait également été ouvert par les équipes, révélant les restes d’un bébé âgés de 6 à 8 mois, richement paré.

À partir du II, IIIe siècle de notre ère, on trouvait des « tombes privilégiées de saints personnages, dont les premiers évêques, qui administrent les premières communautés chrétiennes. À côté des tombes, vont se constituer des nécropoles et puis vont apparaître des églises », analyse explique Mathias Dupuis, directeur de C’Chartres Archéologie. Sur le site de Saint-Martin-au-Val, les fouilles s’arrêteront au début du mois de juillet. Restera, ensuite, un gros travail de restitution et d’analyse, l’autre facette du métier d’archéologue. Un temps qui permettra aussi sans doute au défunt du sarcophage de livrer un peu de ses secrets…

Estelle Rosset